10 octobre 2025

Entre génocide, écocide et résistance paysanne : les enjeux des oliviers palestiniens

Comme tous les ans, en octobre, des bénévoles de Provence et du monde entier se dirigent vers la Palestine pour la récolte des oliviers. Qui Vive a pu échanger par mail avec Sana de l’UAWC sur les moyens d’action de ce syndicat agricole palestinien de lutte pour la souveraineté alimentaire, comme résistance face à la colonisation.

Oliviers palestiniens © Sana, membre de l'UAWC

Peux tu présenter le syndicat ? Comment a-t-il été créé ? Quels sont ses objectifs ?

L’Union of Agricultural Work Committees (UAWC) est une ONG palestinienne indépendante, spécialisée dans le développement agricole, la protection de l’environnement et le renforcement des communautés rurales. Elle œuvre pour soutenir la sécurité alimentaire, la durabilité environnementale et les moyens de subsistance des agriculteurs palestiniens. L’UAWC a été fondée en 1986 à l’initiative d’un groupe d’agronomes bénévoles, dans le but de répondre aux défis agricoles et sociaux engendrés par l’occupation israélienne. Elle est née de la volonté de soutenir les communautés rurales palestiniennes, en particulier dans les zones les plus vulnérables, tout en préservant la terre et les ressources naturelles face aux pressions politiques et économiques.

Que représentent les oliviers pour peuple palestinien ? 

Les oliviers représentent bien plus qu’une simple ressource agricole : ils incarnent l’identité, la mémoire et le sumoud (ndlr : en arabe, ténacité, persévérance). Hérités de génération en génération, ces arbres symbolisent l’attachement profond à la terre et constituent un lien vivant avec l’histoire et la culture palestinienne. Sur le plan économique, l’olivier est une source essentielle de revenus et de sécurité alimentaire, notamment grâce à la production d’huile d’olive, un produit emblématique. La saison de récolte a toujours été considérée comme une occasion sociale essentielle, largement célébrée par les familles palestiniennes : hommes, femmes et enfants se retrouvent pour participer à la récolte, partager des plats traditionnels palestiniens, et écouter les récits des grands-parents sur la vie et les traditions d’il y a 40 ou 50 ans.

Pourquoi et comment Israël détruit-il les oliviers palestiniens ? Peux-tu faire un rappel historique de leur destruction ?

La destruction des oliviers palestiniens par l’occupation israélienne est une pratique systématique, motivée par des raisons politiques, économiques et symboliques. Ces arbres, symbole de l’identité, de la culture et de la résistance palestinienne, poussent souvent sur des terres convoitées pour l’expansion des colonies. Les déraciner permet non seulement de confisquer des terres, mais aussi d’affaiblir l’économie agricole palestinienne et de briser le lien historique entre le peuple et sa terre. Les méthodes utilisées incluent le déracinement direct, le brûlage, la coupe, la destruction des systèmes d’irrigation ou l’impossibilité d’accéder aux terres. Cette pratique existe depuis l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza en 1967, et se poursuit chaque année, surtout pendant la saison de récolte. Selon des rapports d’organisations locales et internationales, tels que celui d’Oxfam paru en septembre 2025, plus de 800 000 oliviers palestiniens ont été détruits depuis 1967, soit une perte immense pour l’agriculture, l’identité et la mémoire collective palestinienne.

Quelles sont les conséquences de la destruction des oliviers sur le peuple palestinien ?

Économiquement, elle prive des milliers de familles palestiniennes de leur principale source de revenus et d’une part essentielle de leur sécurité alimentaire, augmentant la pauvreté et la dépendance. Sur le plan culturel, elle efface une part importante du patrimoine palestinien, car l’olivier est un symbole central de l’identité, de l’histoire et du sumoud du peuple palestinien. Socialement, la perte des oliviers affaiblit le tissu communautaire, car la saison de récolte, qui rassemble familles et villages autour d’un moment de partage, disparaît progressivement. Enfin, sur le plan politique, cette destruction systématique constitue un outil de dépossession et d’érosion des droits des Palestiniens, visant à limiter leur présence sur leurs terres et à affaiblir leur lien avec leur identité et leur terre.

A travers les enjeux des oliviers palestiniens, peux-tu expliquer en quoi la lutte écologique est liée à celle contre le génocide en cours?

La lutte pour la protection des oliviers palestiniens est intrinsèquement liée à la lutte contre le génocide en cours. Protéger les oliviers, c’est préserver non seulement un patrimoine naturel, mais aussi défendre le droit à vivre, à exister et à résister face à un projet de domination et d’annihilation. Ainsi, la lutte écologique devient un acte politique, humanitaire et une composante essentielle de la lutte contre le génocide.

Comment agit ton syndicat pour préserver la culture des oliviers ? 

L’UAWC agit activement pour défendre les paysans et leur droit de cultiver librement et de manière indépendante, avec un accès complet à leurs ressources légitimes. Concernant les oliviers, notre campagne de récolte constitue le moment clé pour démontrer ce soutien et cet engagement en faveur de la préservation de l’olivier palestinien, symbole précieux de notre patrimoine.

Cette campagne vise à accompagner les paysans, en particulier ceux dont les terres se trouvent en zone C, confrontés à de nombreux défis imposés par l’armée israélienne et les colons, qui multiplient les attaques. Organisée non seulement au niveau local, elle mobilise également des volontaires venus du monde entier souhaitant agir concrètement en solidarité avec la Palestine. Participer à la récolte ne se limite pas à un travail physique : c’est un puissant geste de solidarité et de soutien envers les paysans..

Quelles sont les différentes victoires de votre syndicat ?

L’UAWC a obtenu de nombreux succès concrets au fil des années. Nous atteignons annuellement 20 000 agriculteurs en zone C, installons 3000 km de canalisations d’irrigation et aménageons 10 000 hectares de pâturages. Nous avons récupéré et réhabilité 20 000 hectares de terres, construit 2000 km de routes agricoles et érigé 2 125 000 murs de soutènement. Grâce aux efforts de l’UAWC, l’accès à l’eau pour les agriculteurs a augmenté de 300 000 m³, 50 variétés de semences locales indigènes ont été protégées et plus de 2 000 000 d’arbres ont été plantés. Ces réalisations illustrent notre engagement constant pour la préservation de l’agriculture palestinienne et des droits des paysans.

Propos recueillis par Nicolas Delcros, le 3 octobre 2025


Comment peut-on agir depuis la Provence pour la préservation des oliviers palestiniens ?

Il existe plusieurs façons de soutenir cette cause :

  • Sensibiliser régulièrement autour de soi sur la situation des paysans oléicoles palestiniens et dénoncer les attaques graves menées par les colons, telles que le brûlage ou l’arrachage des oliviers.

  • Faire un don pour soutenir les projets de l’UAWC en faveur des paysans.

  • Participer à la campagne de récolte l’année prochaine.


Pour aller plus loin :

Communiqué de la Confédération Paysanne condamnant l’attaque de la banque de semence de l’UAWC

Pétition pour la solidarité avec les paysan·nes et les communautés rurales en Palestine occupée, par l’organisation internationale Via Campesina

Récolte des olives en Palestine © Sana, membre de l'UAWC

Récolte des olives en Palestine © Sana, membre de l’UAWC

Tout est politique, y compris les choix du quotidien. Ici nous interrogeons les politiques publiques qui posent un cadre à nos existences, dans leur articulation à l’économie et à la législation.