20 novembre 2025

Financement des transports : la loi-cadre divise autant qu’elle mobilise

Une conférence-débat organisée vendredi 14 novembre à Marseille a permis de dresser le bilan de la Conférence Ambitions France Transports. La future loi-cadre doit définir comment la France finance ses trains, ses bus, ses routes, ses pistes cyclables et l’ensemble de ses infrastructures de transport. Que cela changera-t-il concrètement pour les citoyens ?

Transports à Marseille © Jan-Cyril Salemi

Dans une salle marseillaise remplie d’élus et de représentants d’associations vendredi 14 novembre, pas un jeune. Pourtant, la conférence organisée par France Nature Environnement PACA et NOSTERPACA traitait de leur avenir : le financement des transports à l’horizon 2032-2048. Dès les premières prises de parole, le diagnostic tombe : la France ne maîtrise plus l’état de ses infrastructures. Le rail se dégrade et les routes nationales vieillissent.

Pour Antoine Comte-Belleau, directeur du projet de la conférence à la Direction générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités (DGTIM), cette conférence de financement des mobilités répond à deux préoccupations : l’urgence de poser des réflexions sur les priorités de financement et l’urgence écologique.

Les réseaux s’abîment, les besoins explosent, et les usagers en paient déjà le prix

Il explique que la Conférence Ambitions France Transports « priorise les investissements dans la régénération et la modernisation des infrastructures existantes, à hauteur d’environ + 3 milliards d’euros par an sur la période 2026/2031 » avec :
• + 1,5 milliard d’euros pour la régénération et la modernisation du réseau ferroviaire structurant
• + 1 milliard d’euros pour la régénération et la modernisation du réseau routier national non-concédé
• + 300 millions d’euros pour la régénération des installations de fret ferroviaire existantes, leur modernisation et le développement des plateformes de transport combiné
• + 200 millions d’euros pour la régénération et modernisation du réseau fluvial

Pour les usagers, ces montants se traduisent au quotidien : trains annulés, horaires imprévisibles, bus qui disparaissent, routes qui se fissurent.

Autoroutes : une manne financière attendue… mais contestée

Les concessions autoroutières historiques expirent entre 2032 et 2037. Antoine Comte-Belleau propose de maintenir les péages pour dégager des recettes supplémentaires : 500 millions dès 2032, puis 2,5 milliards par an après 2037. Il est donc nécessaire d’investir dans des axes routiers efficaces puisque « les péages financent les autres transports ».

Pour Faustine Antoine, directrice du développement de Vinci Autoroutes, cet argent existe déjà : « 40 % des recettes de péage sont reversées à l’État sous forme d’impôts et de taxes ». Selon elle, prolonger les péages permet de financer la transition sans alourdir la dette publique.

Mais le syndicat CGT, présent à la conférence, conteste ces calculs. « En cinq ans, le dividende par action est passé de 2,50€ à 4,70€. Vous distribuez 56% de vos résultats nets à vos actionnaires », lance le représentant CGT à Faustine Antoine. Il rappelle également que Vinci est détenu à 70% par des fonds étrangers.

Conférence-débat sur les transports à Marseille © Camille Mercan

Conférence-débat sur les transports à Marseille © Camille Mercan

Pour Geneviève Laferrière, pilote du Réseau Territoires et Mobilités Durables à FNE PACA, « les péages obligent les camions à quitter les autoroutes ». Les voitures, pour éviter les embouteillages, se retrouvent toujours plus nombreuses sur les axes payants. Ce sont donc les usagers du quotidien qui paient, et non les entreprises. Selon FNE, la décarbonisation des véhicules doit s’appliquer aux transports marchands. Sans cela, il ne peut exister d’équité des modes de mobilité.

Vélo et marche, toujours relégués au second plan

« On a beaucoup parlé de ferroviaire, de voirie nationale, de fret. On n’a pas beaucoup parlé de ce qui remet tout le monde à niveau, de ce qui est accessible, de ce qui est très démocratique », regrette Camille Thomé, co-directrice générale du Réseau Vélo et Marche. Son association fédère 460 collectivités mais n’a pas été auditionnée lors des travaux de la Conférence.

« 18% de la population est parfaitement libre de se mouvoir en voiture partout et tout le temps. Il reste les 82 autres pourcents », souligne la responsable associative. Une majorité ne se déplace pas que pour le domicile-travail mais pour « plein d’autres motifs ». « Ces gens-là ne sont pas forcément desservis par des transports publics, ils n’auront jamais de train chez eux. Mais ils sont à quelques kilomètres à vélo de leur quotidien ».

Vélo, piéton et bus à Marseille © Jan-Cyril Salemi

Vélo, piéton et bus à Marseille © Jan-Cyril Salemi

Le plan vélo, qui promettait 250 millions d’euros par an jusqu’en 2027, s’est arrêté en 2024. Les dotations du Fonds vert ont été divisées. Résultat : dans de nombreuses petites communes, les projets s’arrêtent net. Pourtant, le potentiel est immense : la France possède plus d’un million de kilomètres de voiries locales, « un maillage unique en Europe », rappelle Camille Thomé. Réaménagé différemment, il pourrait offrir des alternatives rapides, économiques et écologiques à des millions de citoyens.

Le réseau Vélo et Marche rappelle que marcher ou pédaler 20 minutes par jour améliorerait la santé de nombreux français et « allégerait considérablement le déficit public et la dépense de la Sécurité sociale ».

« Chacun doit payer ce qu’il doit »

Un représentant de France Nature Environnement défend le principe du « juste coût » : « Les poids lourds ne paient pas leurs externalités en usage de la route ». Les externalités sont les coûts engendrés par un usager qui pèsent sur les autres usagers. L’association milite pour l’instauration d’une redevance kilométrique pour les poids lourds, sur le modèle de ce que prépare la région Grand Est dès 2027. « Si on veut du report modal vers le ferroviaire et le fluvial, il faut rééquilibrer la fiscalité entre les modes ».

« La mobilité est devenue notre premier sujet budgétaire » affirme Jean Pierre Serrus, vice-Président de la région Paca, en promettant le déploiement d’une équité territoriale. Selon le vice-Président chargé des transports et de la mobilité durable, c’est à l’État, maintenant, d’assumer ses responsabilités.

Geneviève Laferrière résume : « On a construit des villes qui ne sont pas du tout adaptées à un autre mode que la voiture ». Selon elle, « les acteurs de la loi-cadre devront être vigilants dans le détail pour atteindre des objectifs communs non détournés par divers procédés ».

Camille Mercan
Novembre 2025

Tout est politique, y compris les choix du quotidien. Ici nous interrogeons les politiques publiques qui posent un cadre à nos existences, dans leur articulation à l’économie et à la législation.