19 octobre 2025

Créer sa propre réserve naturelle

Depuis 2016, l’obligation réelle environnementale permet aux propriétaires de préserver la biodiversité de leur terrain. Encore méconnue, elle gagne en visibilité grâce à des actions menées pour la faire connaître.

Chaque geste compte. Afin de permettre à toutes et à tous de préserver les espaces naturels à son échelle, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a créé en 2016 l’obligation réelle environnementale (ORE). Méconnu, ce contrat permet à n’importe quel propriétaire, public ou privé, de protéger l’environnement sur tout ou partie de son terrain. Les locataires et habitants peuvent, eux aussi, en parler à leurs bailleurs ou aux collectivités pour en favoriser la diffusion.

Destinée à maintenir, gérer ou restaurer la biodiversité et les processus biologiques qui maintiennent un écosystème, l’ORE concerne tant la protection de certaines espèces animales et végétales, que la gestion d’éléments de la biodiversité comme des plans d’eau.

Un propriétaire peut mettre en place une ORE avec notamment, une région, un conservatoire d’espaces naturels ou une association de maintien ou de conservation de l’environnement. Pour renforcer la preuve de son existence, un notaire l’authentifie. L’ORE s’enregistre ensuite auprès du service de la publicité foncière.

Il n’y a aucun transfert de propriété dans ce contrat. Pour un propriétaire, l’intérêt d’une ORE réside souvent dans la possibilité de se faire accompagner pour définir les enjeux environnementaux propres à son bien. Le dispositif foncier permet aussi d’inclure des habitats naturels non couverts par la législation relative aux espaces naturels protégés.

Ce contrat repose uniquement sur la volonté des parties. L’ORE offre alors un cadre souple, permettant de définir les modalités adaptées aux enjeux de chaque terrain. Les cocontractants définissent librement leurs obligations de faire ou de ne pas faire. En revanche, l’ORE n’interdit pas la chasse et ne protège pas les terrains en cas de plans locaux d’urbanisme ni en cas d’expropriations pour utilité publique.

Une ORE offre également une protection longue. Elle peut être conclue pour une durée maximum de 99 ans. Un laps de temps destiné à assurer la pérennité des mesures. Ainsi, les obligations perdurent en cas de vente du terrain ou de décès du propriétaire. Il incombe alors aux acquéreurs de respecter la protection environnementale jusqu’à la fin du contrat.

Un développement progressif en PACA

Le 24 septembre dernier, la ville de Valbonne Sophia Antipolis a signé avec le Conservatoire d’espaces naturels PACA (CEN PACA), la première ORE des Alpes-Maritimes. Conclu pour 99 ans, l’engagement porte sur la forêt du Fugueiret. Elle abrite de nombreuses espèces végétales comme des Pins d’Alep, la Sérapias d’Hyères, une orchidée protégée dans la région, ou encore deux espèces de papillons de nuit typiques. Afin de préserver cet écosystème de l’urbanisation environnante, Valbonne s’est engagé à conserver les habitats naturels et à interdire les activités qui dégraderaient le site. En tant que cocontractant, le CEN PACA s’est engagé à conseiller la ville et à veiller à la bonne exécution des obligations.

L’engagement perdurera même si l’équipe municipale change lors des prochaines élections. Afin de renforcer l’efficacité de l’ORE, la commune et le CEN PACA signeront prochainement une convention pour 10 ans portant sur la gestion courante de l’ORE. Le conservatoire produira alors des bilans de gestions annuels, un intermédiaire et un final.

En 2024, ce sont les Alpes-de-Haute-Provence qui ont accueilli leur première ORE, signée entre un propriétaire de la commune de Clumanc et le Syndicat Mixte Asse Bléone (SMAB). En engagement pour une période de 40 ans, qui vise à protéger le Petit Rhinolophe, une espèce de chauve-souris menacée. Un cabanon situé sur le terrain du propriétaire a été rénové afin de devenir un lieu favorable à la reproduction de l’animal.

L’ORE consiste ainsi, pour le propriétaire, à conserver le cabanon en état et à n’apporter aucune modification qui perturberait les chauves-souris. Le SMAB s’engage à l’accompagner et à réaliser des suivis annuels.

Afin de développer cette pratique, l’association Agir pour l’environnement mène actuellement une campagne afin de récolter 100 000€. Avec cette somme, elle ambitionne de sauvegarder 1 million de m2, grâce à la création de « Réserves de Biodiversité ». Il s’agit d’ORE conclues avec des propriétaires pour 99 ans, partout sur le territoire national. Selon le ministère de la transition écologique, 130 ORE ont été signées entre juillet 2022 et décembre 2023 en France.

Marianne Courbon, le 19 octobre 2025

Tout est politique, y compris les choix du quotidien. Ici nous interrogeons les politiques publiques qui posent un cadre à nos existences, dans leur articulation à l’économie et à la législation.