500 manifestants défient la Métropole pour stopper le Boulevard Urbain Sud
Samedi 29 novembre, à Marseille, des centaines de personnes ont défilé contre le prolongement du Boulevard Urbain Sud (BUS). Les manifestants dénoncent un « aspirateur à voitures » à 150 millions d’euros qui menace 10 hectares de nature urbaine et va déverser 15 000 véhicules supplémentaires par jour à la Pointe-Rouge.
« Changeons le système pas le climat », « on veut des bus pas du BUS », « Biodiversité Ultra Sacrifiée », au rythme des tambours, parmi les nombreux vélos, des pancartes colorées se multipliaient sur la Place Castellane, ce samedi 29 novembre à 14 heures. 500 manifestants, jeunes et plus âgés, étaient réunis, avec un objectif : s’opposer aux travaux du Boulevard Urbain Sud (BUS). Le cortège, entrainé par des slogans scandés au mégaphone et une enceinte diffusant des musiques militantes, s’est élancé en direction de la statue de David. Les manifestants défilent sur les voies latérales de l’avenue du Prado, sans bloquer la circulation principale. Une marche pacifique mais déterminée : « Plus de nature moins de voiture », « des arbres, des trams, pas des boulevards », autant de formules reprises en cœur par les participants. Le collectif CANBUS (Collectif Anti-Nuisances Boulevard Urbain Sud) pilote l’opération, épaulé par Greenpeace et Alternatiba. SOS Nature Sud, Union Calanques Littoral, Sauvons la Mathilde et Face au BUS complètent la coalition. « Ce n’est pas la peine de rajouter des voitures aux voitures sur un espace déjà saturé », proteste Martine Cros, directrice de SOS Nature Sud.
Le BUS, c’est quoi ?
L’histoire remonte aux années 1930. À l’époque, une simple rocade autoroutière devait contourner Marseille. Près d’un siècle plus tard, l’idée ressurgit dans la tête de la métropole sous une forme urbaine : 8,5 kilomètres de boulevard reliant le rond-point Florian, à Saint-Loup, jusqu’à la Pointe Rouge. Les chiffres annoncés inquiètent : 45 000 véhicules par jour attendus au Cabot, 15 000 à la Pointe Rouge. Le tracé doit traverser le jardin de la Mathilde, les jardins familiaux Joseph Aiguier et la pinède du Roy d’Espagne. Près de 10 hectares de nature sacrifiés. 200 arbres de la pinède menacés de disparition. « Les enjeux environnementaux nous font clairement dire qu’il faut agir maintenant et arrêter cette envie de prolonger ce que nos aînés ont mis en place, ce sont des données de l’époque », renseigne Jean-Luc, résident de la Pointe Rouge et présent à la manifestation.
La première phase du BUS fonctionne depuis juillet 2020. Elle relie le boulevard Sainte-Marguerite à l’autoroute A50 et à la rocade L2, au niveau de l’échangeur Florian. Le début des travaux du deuxième tronçon, entre Sainte-Marguerite et le Roy d’Espagne, est prévu pour le 8 décembre prochain.
« Un périphérique qui tombe dans la mer »
Si, comme certains Marseillais l’affirment sur divers groupes Facebook, « cette voie est indispensable », il s’agit pour d’autres, présents à la manifestation, d’un « désastre écologique ». Solène, dont la voix déterminée a résonné dans le mégaphone pendant la manifestation, est engagée dans le mouvement contre le Boulevard Urbain Sud parce qu’elle pense que « c’est un désastre environnemental qui va détruire la biodiversité, alors qu’on en manque cruellement dans cette ville ». Elle estime que les mobilités évoluent dans le mauvais sens : « il faudrait plus de mobilités douces ».
« C’est comme si on avait pensé à un périphérique qui va tomber subitement dans la mer. On comprend tout de suite qu’il y a quelque chose qui ne va pas. En tant que citoyen, j’ai déjà de quoi réfléchir en me disant : ça va être quoi ? Des énormes parkings flottants sur la Pointe Rouge ? », s’interroge Jean-Luc, habitant de la Pointe Rouge.
La Métropole défend son projet
La Métropole affirme que le BUS comprend des voies réservées aux transports en commun, une piste cyclable sécurisée et une végétalisation importante des espaces publics. « Le Boulevard Urbain Sud est un projet structurant, au service du quotidien des habitants », a déclaré en juillet Martine Vassal, présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence. La première phase du BUS, mise en service en 2020, a selon elle « démontré son utilité en matière de désengorgement du trafic ». La Ville de Marseille, représentée à la manifestation par de nombreux élus et maires de quartiers, reste fermement opposée au projet actuel.
La mobilisation continue
CANBUS a déposé un recours en mars 2025. L’issue ne sera pas connue avant l’été 2026. « Il faut qu’on reste très mobilisé contre le BUS tant que l’on n’a pas de décisions satisfaisantes », martèle Martine Cros. Les opposants au BUS plaident pour des alternatives : renforcement des transports en commun, création de voies cyclables sécurisées, amélioration du réseau existant. « On voit qu’on est engorgés, que les voitures prennent tout l’espace et qu’il va falloir trouver des solutions basées sur les transports en commun, les mobilités douces, parce qu’on est déjà sursaturés », observe Jean-Luc. « C’est un projet, au départ, vendu comme quelque chose qui allait désenclaver le quartier. Il ne prend pas en compte que le flux est inversé : beaucoup plus de gens ont envie de venir à la mer, de profiter des calanques », précise le résident de la Pointe Rouge.
La Métropole promet un « Boulevard Urbain Vert » végétalisé entre le Roy d’Espagne et la Pointe Rouge, sur 1,7 kilomètre. Un projet de 4,5 millions d’euros prévu pour 2026. Cet « aménagement apaisé » favoriserait « les mobilités douces », selon la Métropole. Pour les associations, ces promesses ne suffisent pas à effacer la menace qui pèse sur les derniers poumons verts du sud de la ville. Les travaux du tronçon Sainte-Marguerite – Roy d’Espagne doivent débuter dans quelques jours. La bataille juridique et citoyenne continue.
Camille Mercan
Novembre 2025
Comment agir, autour de nous, pour un monde où il ferait bon vivre ? Cette rubrique donne des pistes concrètes pour se mobiliser tant individuellement que collectivement.






