Comment aider les citoyens à s’impliquer dans le débat public et à peser sur les décisions politiques ? A l’approche des élections municipales, FNE PACA a élaboré un dossier qui fournit des outils pour s’emparer de ces questions et renouveler la démocratie. Rencontre avec Paul Naglik, l’un des coordinateurs de ce travail.
Qui Vive : Quelle a été la démarche pour réaliser ce dossier ?
Paul Naglik : En tant que fédération régionale, nous avons réfléchi à la meilleure façon de préparer un outil qui puisse être adapté à tous les territoires de Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). C’est l’une des difficultés, car les réalités sont très diverses selon que l’on vit dans les Hautes-Alpes ou dans le Var. Pour cela, nous avons d’abord sollicité nos six fédérations départementales en leur proposant un questionnaire. On souhaitait savoir si les gens s’étaient mobilisés en 2020, lors des dernières municipales, si oui de quelle façon, s’ils envisageaient de se mobiliser en 2026, si oui comment, et de quoi ils auraient besoin de notre part.
Il est ressorti deux demandes : mieux connaître la distribution de compétences, comment sont-elles réparties entre les communes et les Établissements Publics de Coopération Intercommunales (EPCI), et avoir un kit de communication à transmettre aux citoyens et aux associations sur le terrain. L’idée est donc, dans ce dossier, de fournir des éléments qui peuvent être utilisés pour amener des thèmes dans la campagne électorale, dans la rédaction des programmes, lors de réunions publiques, etc.
Comment avez-vous sélectionné ces thèmes ?
Grâce aux réponses de nos fédérations départementales, et dans la lignée de nos actions à France Nature Environnement PACA, nous avons fixé cinq axes principaux. Pour chacun d’eux, nous avons développé cinq interpellations, dont les citoyens peuvent s’emparer pour porter ces questions dans le débat public. Nous n’avons pas fait de hiérarchie, les cinq axes et les vingt-cinq interpellations ont toutes la même importance. Notre travail a consisté à trouver l’équilibre entre les sujets de société dont nous pensons qu’ils doivent être traités pendant ces municipales, et le lien avec les compétences communales. Car tous les sujets ne peuvent pas être traités au niveau communal. On n’a pas souhaité se focaliser sur le côté politique de l’élection. Notre enjeu c’est d’identifier des thèmes qui peuvent concerner tous les territoires, de proposer des pistes d’interpellations, et de mettre en valeur des bonnes pratiques, pour inspirer les gens. Les cinq axes sont :
- protéger, renaturer et stopper la dégradation des écosystèmes
- contribuer au débat démocratique en mettant la préservation du vivant au centre et en impliquant les citoyens
- définir les conditions d’un modèle de société plus égalitaire basée sur une sobriété choisie
- agir pour la santé et le bien-être du vivant en réduisant les pollutions et en prenant en compte les risques naturels, industriels et sociaux
- s’adapter au changement climatique et réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre
C’est un travail d’ampleur, comment s’est organisée la rédaction de ce dossier ?
Le projet est en réflexion depuis plusieurs mois. Marine Testut, chargée de mission déchets et risques industriels à FNE PACA, et moi-même, chargé de mission aménagement et transport, nous en assurons la coordination. Nous avons sollicité nos équipes en interne et nous avons fait appel à nos membres bénévoles qui souhaitaient s’y impliquer. En tout, nous sommes une dizaine à travailler dessus. Les premières réunions de groupe ont eu lieu au mois d’août, puis nous nous sommes répartis les sujets, les recherches à effectuer, les rédactions à réaliser, nous mettons tout cela en commun à chaque réunion et nous avançons ! Fin octobre, le dossier sera en ligne sur notre site. Nous mettrons aussi à disposition sur le site un document de synthèse, que nous appelons le plaidoyer, qui rassemble les vingt-cinq interpellations. Les municipales auront lieu en mars 2026, et vers février, on fera également une communication de ces éléments sur nos réseaux sociaux.
C’est un projet qui émane de FNE PACA, mais en plus, nous nous reposons sur un autre cadre de travail, initié par FNE national, avec le Collectif Transition Citoyenne, qui est la campagne Mairie Me. Celle-ci est plus large, elle contient de nombreuses propositions et offre une plateforme de références, avec un réseau étendu. Si les citoyens veulent approfondir un sujet pour les municipales, s’impliquer plus directement dans les élections, on les renvoie vers Mairie Me. Nous, à l’échelle locale, on propose ce dossier avec cet ensemble d’interpellations, et Mairie Me permet de mobiliser pour porter des revendications concrètes auprès des candidats.
Votre démarche est donc avant tout de vous adresser aux citoyens plutôt qu’aux élus ou aux futurs élus ?
On veut rester sur des propositions de fond et des thèmes de discussion. On évite le postulat élu et partisan, et on met en valeur des choses qui sont faites par plusieurs types de communes, avec des majorités différentes. Surtout, ce qu’on ne veut pas, c’est que nos débats locaux soient victimes des clivages nationaux. C’est d’ailleurs le sens d’une tribune que nous allons publier début novembre dans le journal La Provence. Nous considérons qu’il y a une écologie du local, et des politiques publiques locales qui peuvent être pensées de manière transpartisane. Elles peuvent être efficaces, sans être tributaires des débats sur l’écologie politique qu’on a beaucoup au niveau national.
Un récent sondage a montré que 93% des Français estiment que les événements climatiques augmentent, 91% d’entre eux considèrent qu’ils sont liés au changement climatique et 89% se disent inquiets de cette hausse. C’est un contrepied à ce que l’on entend parfois, la population peut être convaincue de l’urgence de la situation. Pourtant, dans le discours de politique générale du Premier ministre Sébastien Lecornu, l’environnement n’est pas cité une seule fois. Donc on se dit que les réalités de terrain ne sont peut-être pas comprises. Et dans son discours, le Premier ministre envisage de donner plus d’autonomie aux collectivités territoriales. Nous on pense justement que beaucoup de choses peuvent se faire à l’échelle locale.
Des mots tels que « végétalisation » ou « circuits courts », ne veulent rien dire en soi. C’est leur traduction concrète en politiques publiques qui est important. On veut travailler sur le maillage écologique local pour en faire des réalités. Concrètement, si une campagne se gagne sur d’autres sujets que ceux qu’on porte, mais que dans le programme, il y a un projet de désimperméabilisation d’une cour d’école parce que des gens se seront mobilisés, on se dira que c’est une avancée qu’on a pu accompagner. Notre objectif est de faire gagner la nature plutôt qu’un bord partisan.
Ici, en région PACA, la diversité des territoires et des populations implique plus qu’ailleurs d’avoir cette approche transpartisane ?
C’est le positionnement que nous avons choisi. La région a une situation très spécifique. On a ici un taux d’occupation naturelle de 75%, c’est la plus grande étendue d’espaces naturels de toutes les régions en France. Il y a donc des enjeux majeurs et une nature remarquable à préserver. Les aspects liés au changement climatique sont beaucoup plus forts que sur d’autres territoires, notamment en montagne, sur le littoral, l’enjeu touristique aussi est très marqué chez nous. Dans ce contexte, à FNE PACA, on se place en porte-voix de la société civile. Nos interpellations ont vocation à être posées partout. Par exemple, « vous engagerez-vous à arrêter l’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques sur l’ensemble des parcelles communales ? » ou « comment envisagez-vous de réduire les déchets ménagers à la source ? » sont des questions adaptées à toute la région.
Une autre spécificité en PACA, c’est le renouvellement du Sénat, qui se déroule par moitié au suffrage indirect tous les trois ans. En 2026, tous les sénateurs de la région seront renouvelés pour un mandat de six ans, et les grands électeurs qui les désigneront seront notamment issus de ces municipales. Les propositions de lois qui émanent du Sénat sont souvent des reculs sur les questions environnementales, il y a donc un enjeu supplémentaire sur ce point. Enfin, on sait que dans la région, il y a beaucoup de petites communes qui ont très peu de compétences et de capacités d’action. Ce sont les EPCI qui les ont, et même, pour certains territoires, l’EPCI n’a pas non plus beaucoup de moyens d’agir. Notre orientation a donc été de donner la priorité à ces grands thèmes, démocratie locale, sobriété locale, préservation du bien-être, du bien-vivre, dans lesquels toutes les communes peuvent se retrouver.
Propos recueillis par Jan-Cyril Salemi, le 23 octobre 2025
Cet article est publié dans le cadre d’un partenariat éditorial Qui Vive / France Nature Environnement PACA
Quand un de nos contenus porte sur un sujet d’intérêt commun, tel que la santé, le logement, les transports, les loisirs ou tout autre thème lié à nos modes de vie, il est là.







 
		
