Trop chère, la bio ?
Sandrine Sarrazin, administratrice des Paniers Marseillais et chercheuse en biologie, a coordonné une étude selon laquelle il est possible de manger bio tout en payant moins cher que dans les hypermarchés. Entretien.
Pour ceux qui ne sauraient pas de quoi il s’agit, pouvez-vous présenter votre structure et expliquer ce que sont les AMAP ?
Les Paniers Marseillais, c’est une association qui fédère toutes les AMAP de la ville de Marseille. Les AMAP, ce sont les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne. Elles sont localisées dans les quartiers de Marseille et sont en lien avec des paysans qui produisent pour un groupe de consommateurs des légumes tout au long de l’année, et qui viennent chaque semaine distribuer leurs légumes à ces derniers, qui se sont engagés à acheter leur production.
Quel est l’objectif de l’association des Paniers Marseillais ?
L’objectif est d’animer le réseau des AMAP à Marseille, mais aussi de sensibiliser à la fois à la nutrition, au circuit court et au soutien des paysans. On a aussi tout un travail directement en lien avec les paysans pour les soutenir, les fédérer entre eux et résoudre les problématiques de terrain. Et puis l’objectif est surtout de mettre en lien des groupes de consommateurs avec des maraîchers. Le cœur du métier de l’AMAP, ce sont effectivement les légumes, mais aux Paniers Marseillais, on propose aussi d’autres producteurs qui vont apporter des œufs, de la viande et des fruits éventuellement.
Quels sont les avantages pour les consommateurs des AMAP ?
L’avantage pour le consommateur, c’est bien sûr d’avoir des produits biologiques, frais et de saison, sans intermédiaire : le paysan vient lui-même distribuer ses légumes, ce qui permet aux consommateurs d’échanger avec lui. L’avantage aussi, c’est que les prix sont équitables. Le prix est fixé en accord avec le producteur et l’absence d’intermédiaire permet une rémunération très juste, un coût maîtrisé, avec un prix fixé pour la saison. Ainsi, en fonction du paysan, du contexte spécifique de son exploitation, il établit le prix du panier, qui varie entre 17 et 21 €. Et quand on s’engage en tant que consommateur, on sait que chaque semaine il n’y aura pas de flambée des prix.
Le dernier gros avantage, c’est la haute qualité nutritive des produits, puisqu’ils sont en général ramassés le matin et livrés l’après-midi. De nombreuses études montrent que les produits qui sont récoltés et consommés rapidement ont conservé la majorité des vitamines et des éléments nutritifs bons pour la santé. Dans tous les autres systèmes de distribution, entre la récolte et le moment où les légumes sont achetés, les produits ont perdu une partie de leurs vitamines.
On peut aussi dire que les paysans des Paniers Marseillais offrent une grande diversité alimentaire. Ils mettent dans les paniers ce qu’ils ont dans les champs, le consommateur ne choisit donc pas ce qu’il va acheter, mais ça l’oblige à consommer des produits qu’il n’aurait pas achetés parce qu’il ne les connaît pas.
Et pour les producteurs ?
Pour les producteurs, il y a aussi de gros avantages à être en AMAP. Elle apporte une stabilité économique : ils bénéficient d’un revenu régulier grâce à l’engagement des consommateurs, et peuvent bien plus facilement aller à la banque demander un crédit, pour renouveler une machine par exemple. L’autonomie est également un aspect important : ils ne dépendent plus des grandes surfaces, viennent vendre leur production directement au consommateur et sont complètement indépendants des histoires de marché, de négociations qui se font dans d’autres groupements d’achat.
Et puis l’un des gros point positif, c’est le lien social direct avec les consommateurs. Pour eux, c’est très valorisant de pouvoir parler de leurs produits, de leur travail, de savoir que leurs produits vont dans des assiettes qui nourrissent des familles. Enfin, il y a un gros avantage pour l’environnement bien sûr, on est dans un rayon de 120 km pour les AMAP, avec des producteurs qui sont dans un rayon de 40 km, donc il y a une réduction de production de gaz à effet de serre. Et puis les paysans sont tous dans des pratiques d’agriculture durable, en bio. Ils utilisent la rotation des cultures, le compostage, et pas de produits chimiques. Tout ça va contribuer à une préservation des terres agricoles et de la qualité du sol pour les générations futures.
Vous avez envoyé à la presse un communiqué à propos d’une étude comparative des prix de votre association avec les prix de l’agriculture conventionnelle en hypermarché, pouvez-vous expliquer son objectif ?
Il s’agissait de comparer les prix des paniers de légumes des producteurs des AMAP de Marseille. Je voudrais bien clarifier que ça n’avait pas pour objectif au départ de montrer à toute force qu’on était moins cher, et donc de mettre la pression sur les producteurs pour qu’ils maintiennent des tarifs plus faibles. Ils calculent leurs prix en fonction de leur exploitation, et il s’avère que ça reste moins cher qu’en supermarché. Donc l’objectif était de montrer cette différence-là, surtout pour contredire ce qu’on entend tout le temps dans les médias, que la bio est trop chère. Oui, la bio est chère quand on la prend au supermarché ou dans les enseignes spécialisées, mais quand on choisit bien son mode d’approvisionnement avec les producteurs sans intermédiaire, cela permet de faire un prix de revient plus bas. Notamment grâce à un certain nombre de bénévoles qui travaillent pour que le paysan puisse venir distribuer ses produits.
Comment l’avez-vous réalisée ? Quelles ont été les méthodes utilisées pour comparer les différents paniers ?
J’ai proposé à une collègue du campus de Luminy de refaire une étude de prix déjà réalisée il y a 10 ans. Puis, on a eu l’opportunité de voir passer un appel de Kedge, la Business School de Marseille, qui cherchait des projets où les étudiants pouvaient s’impliquer. Ils ont donc mis en oeuvre la méthodologie et je me suis chargée de faire l’analyse des données et la mise en forme des résultats. Nous avons choisi cinq paysans, parmi ceux qui voulaient bien participer à l’étude, et chaque semaine des bénévoles détaillaient le contenu d’un panier. Puis les étudiants sont allés relever les prix des produits équivalents à ceux du panier dans trois types de distribution : le marché, les supermarchés ou les grandes distributions bio. On a tout rentré dans des tableaux pendant 52 semaines. Les chiffres finaux sont une moyenne sur l’année, de la comparaison entre le panier des AMAP qui est à 20 € par semaine, et celui d’un supermarché qui est à 24 € et des poussières soit 20 % de plus. Au marché c’était 12 % plus cher, et dans les magasins bio on est à plus de 60 %. Si on se focalise sur les hypermarchés, là où la majorité des gens consomment, et bien non la bio ce n’est pas plus cher !
Pour finir, selon les données du secteur bio, celui-ci repart à la hausse. Pensez-vous que cela montre une prise de conscience des citoyens sur les conséquences néfastes de l’agriculture conventionnelle ?
Je ne sais pas ce qui explique les raisons de ce retour à la hausse, mais j’espère que c’est effectivement bien une prise de conscience de nos concitoyens que l’agriculture conventionnelle à des conséquences néfastes à la fois sur l’environnement et sur la santé. J’’espère aussi que les médias parleront du fait qu’on peut trouver de la bio moins cher, plus solidaire, avec un circuit court, et qu’elle est meilleure nutritivement.
Propos recueillis par Lola Dupré, le 17 octobre 2025

Sandrine Sarrazin © Raphaël Arnaud
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