Licence Sciences et Humanités : récit d’une étudiante
Nombreux sont les jeunes qui aimeraient travailler dans un secteur favorisant l’équilibre de la vie sur Terre. Mais ce n’est pas facile de s’y retrouver dans les multiples formations qui, en France, ont un rapport plus ou moins proche avec l’écologie. Lycéens inquiets face à Parcoursup, apprentis en recherche d’alternance, étudiants devant choisir un Master… Tant de questions se posent ! Est-ce un enseignement sérieux ou une filière qui pratique le greenwashing ? Quels sont les débouchés, serai-je amené à travailler sur le terrain, dans un métier qui a du sens ? Qui Vive va se pencher sur l’orientation, en apportant des éclairages précis à ceux qui doivent faire des choix d’avenir. Pour commencer, notre stagiaire en journalisme, Lou, nous parle de sa Licence Sciences et Humanités (LSH) à la faculté Saint-Charles de Marseille.
Comment as-tu choisi cette Licence ?
En Terminale, j’étais perdue ! Mes parents m’ont pris rendez-vous avec une conseillère d’orientation, une prestation payante. Elle m’a fait passer pas mal de tests. Au final, elle m’a suggéré – parmi d’autres idées – cette Licence, en me disant « tu as l’air curieuse, cela pourrait te correspondre ». J’avais choisi les options HGGSP (Histoire-Géographie, Géopolitique et Sciences politiques) et HLP (Humanités, Littérature et Philosophie) pour passer le Bac. Ce cursus ne débouchait pas sur un métier précis, mais il lui semblait en adéquation avec mon profil.
Que disaient tes professeurs ?
Ils me proposaient d’essayer Sciences Po, comme à tous mes camarades. Mais j’ai été refusée au moment des vœux sur Parcoursup. J’avais lu la description de cette Licence Sciences et Humanités, elle semblait bien me correspondre. Sur les six Unités d’Enseignement, une m’intéressait particulièrement : « Figures du pouvoir ». Celui exercé au sein des entreprises, de la famille, des institutions… Toute une partie de la deuxième année a été consacrée au pouvoir du corps médical par rapport aux patients, c’était passionnant.
Tu étais politisée, au lycée ?
En Seconde, Première, j’ai commencé à m’intéresser au féminisme. Les questions sur l’anti-racisme, l’écologie, sont venues plus tard durant la Licence. La LSH est un microcosme, les étudiants ont un mode de vie assez atypique. En deuxième année, deux filles vivaient dans un squat. Même les professeurs sont engagés.
À ce propos, sais-tu comment la formation est née ?
Ils se sont rassemblés au moment de la réforme de l’Université en 2009, qui a suscité de fortes résistances, et se sont posé la question « En quoi devrait consister, pour nous, l’enseignement à l’Université ? ». Un cursus avec plein de disciplines différentes, des sciences dures à la philosophie ou l’anthropologie, autour de thématiques communes, en a résulté. Ils continuent de se battre pour qu’il existe, d’ailleurs. Nous sommes quinze étudiants en L3, quelque part j’imagine que ce n’est pas rentable.
À quoi est-ce dû ?
Certains décrochent, les premières promotions pouvaient compter 70 étudiant.e.s, mais dans les promotions actuelles (dont la mienne), nous étions plutôt autour de 35-40 en première année.
Les cours sont chouettes, mais très tôt, depuis le collège, on nous dit qu’il faut s’orienter vite, avec un projet précis. Or la LSH vise à susciter notre curiosité vers des choses que l’on ne verrait pas dans des formations classiques, à vocation d’insertion sur le marché du travail. Elle va contre cet état d’esprit.
Qu’étudiez-vous ?
Tous les sujets sont tellement vastes, que nous pourrions y consacrer énormément de temps. Les étudiants ont une certaine souplesse, pour aller vers ce qui les intéresse. Par exemple, avec Garance, ma partenaire de TP, nous avons passé 50 heures sur la lumière, la couleur, mais tous les binômes n’y ont pas consacré le même temps. C’était un TP de sciences dures. Alors que j’ai toujours pensé que ce n’était pas pour moi, car j’ai des difficultés en mathématiques, ça m’a passionnée. Surtout l’approche par l’histoire des sciences : Aristote, Descartes et Newton ont observé à peu près les mêmes choses, mais leur prisme différait en fonction de l’époque à laquelle ils vivaient. Olivier Morizot [ philosophe et historien des théories de la vision, de la lumière et de la couleur, ndlr ], nous donnait des cours géniaux.
Tu avais des doutes sur ton choix d’orientation, en Terminale. Ils ont été levés ?
Entre la L1 et la L2 j’ai fait un break car j’étais encore un peu perdue. J’ai effectué un service civique chez Opera Mundi, [ cycle de conférences sur l’écologie, ndlr ]. Ainsi qu’un stage au Conseil Économique Social et Environnemental (CESE). Cette année de césure a réactivé ma curiosité, au delà de l’objectif d’avoir de bonnes notes. Ce qui ne fonctionne pas dans cette Licence ! C’est quand tu sens le feu en toi que cela marche ; il serait triste de suivre ces études pour les notes, ce serait passer à côté de plein de choses.
Tu la recommanderais ?
Je la recommanderais, mais pas à n’importe qui. Si ton objectif est de faire quelque chose de précis, ce n’est pas propice. Mais tu t’y poses des questions qui ne sont pas abordées ailleurs. Malgré tout, on est dans un entre soi. La grande majorité de la formation est blanche, les étudiants sont issus de familles CSP+. Car tout le monde ne peut pas se permettre d’apprendre pour apprendre, il faut gagner des sous et ce n’est pas l’objectif premier de la LSH. Parmi les premières promos, je ne suis pas sûre que ceux qui l’ont obtenue soient assis sur une montagne de billets !
Tu as eu des échos de ce qu’ils sont devenus ?
Un ancien étudiant qui avait un Bac littéraire a fait un Doctorat… en physique, et c’est lui qui assurait nos TD dans cette matière ! Une autre, ancienne bénévole d’Opera Mundi, a fait un Master Arts et Politique à Sciences Po Paris. Une fille que j’ai croisée travaille dans une ferme de la Drôme, elle est bergère.
Tu as fait le choix d’effectuer un stage de 3e année dans un média, Qui Vive. Peux-tu nous en dire les raisons ?
J’avais envie de découvrir un peu mieux le milieu du journalisme, et de commencer à écrire quelques articles. J’envisage éventuellement de m’orienter vers le journalisme, mais plus tard, une fois que j’aurais acquis un certain bagage universitaire et professionnel. Par ailleurs, je savais que Qui Vive est un média engagé, ce qui m’intéressait d’autant plus.
Y a-t-il autre chose que tu voudrais partager ?
Oui, voici un lien vers un documentaire réalisé par Valérie Simonet sur la LSH, Les Lumières.
Et une citation de Gaston Bachelard, qui décrit plutôt bien l’objectif de la Licence :
« Balzac disait que les célibataires remplacent les sentiments par les habitudes. De même, les professeurs remplacent les découvertes par des leçons. Contre cette indolence intellectuelle qui nous prive peu à peu de notre sens des nouveautés spirituelles, l’enseignement des découvertes le long de l’histoire scientifique est d’un grand secours. Pour apprendre aux élèves à inventer, il est bon de leur donner le sentiment qu’ils auraient pu découvrir. »
La formation de l’esprit scientifique, 1938.
Propos recueillis par Gaëlle Cloarec, le 7 février 2025
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