Il était trois fois
En octobre, la librairie-jardinerie Les sauvages recevait à Marseille Laurine Roux, venue présenter son cinquième roman. Un lieu idéal pour accueillir ce conte médiéval farouche, plein de bruit et de fureur… de réparation et d’espoir aussi.
Trois fois la colère, le titre claque. Comme claque celui de la maison à laquelle Laurine Roux reste fidèle depuis ses débuts: les Éditions du Sonneur. Elle a bien raison car l’objet-livre en jette. Trois tiges d’ortie, l’une vert forêt, l’autre violette, la dernière pourpre, partent à l’assaut de la couverture vert gazon. Trois tiges comme trois rejetons de la même souche. Les orties jalonnent chaque partie du roman, qui semble mu par une poussée végétale irrésistible, de la racine au drageon. Elles ponctuent chaque respiration du texte. Comme autant d’aiguillons qui taraudent les personnages et le lecteur.
On est happé par ce récit mené tambour battant dès le prologue. Celui-ci met en scène la chevauchée éperdue d’une jeune fille, Miou. Elle trimballe dans un sac la tête de l’homme qu’elle a décapité, Hugon le Terrible, son grand-père. Cela commence fort! Pourquoi a-t-elle agi ainsi ? Pourquoi galope-t-elle vers le château de Bure avec son sinistre trophée ? L’histoire qui suit permettra de comprendre ce geste de vengeance et de réparation. Ce serait dommage de divulgâcher. On ne le fera donc pas. Qu’on sache seulement qu’intrigues, violences, secrets de famille, scènes de torture et batailles ne manquent pas dans ce roman épique que Laurine Roux dit avoir écrit sur le tempo de la célèbre série Game of Thrones. Le temps des croisades lui a fourni un décor parfait pour aborder par le biais de la fiction certaines questions actuelles qui tournaient dans sa tête : celles de la justice, de la domination masculine, de « la place utile de la violence ».
Et puis, dans ce tourbillon de brutalité, il reste des moments de tendresse, des figures sensibles et généreuses, des havres de paix. Comme autant de lueurs dans l’obscurité. La forêt, véritable personnage de ce conte, abondamment et superbement évoquée, est ici un lieu de ressource, d’enchantement. Laurine Roux adresse d’ailleurs ses remerciements « aux montagnes des Hautes-Alpes, aux forêts, aux fantômes, et aux mondes imaginaires, refuges dans le chaos. » Un bel hommage à la nature vivante et sauvage de sa région et à tous les possibles qu’offre la littérature.
FRED ROBERT
Le 3 novembre 2025
Trois fois la colère
Laurine Roux
Éditions du Sonneur, 20 euros
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