« L’humain au centre de l’activité, pas le profit »
Quand les moutons participent à une manifestation, sur le parking d’une grande surface, personne ne reste indifférent.
Nous partîmes une poignée, paysannes, paysans, gilets jaunes et soutiens, mais par le prompt renfort d’un… troupeau de brebis mené par leur bergère, nous nous vîmes 500 êtres vivants en arrivant sur le parking d’Auchan. À l’appel de la Confédération Paysanne des Bouches-du-Rhône, rendez-vous était donné le 20 décembre à 13h, dans l’immense zone commerciale d’Aubagne, les Paluds.
L’objectif, comme un peu partout en France au moment où une épidémie de Dermatose nodulaire bovine se répand : communiquer et alerter sur les risques dans le département, et demander l’arrêt de l’abattage total préconisé par le gouvernement. Ce qui implique de tuer des bêtes saines, et décuple la colère des éleveurs, déjà vive du fait de l’accord de libre-échange entre l’UE et des pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay), qui menace leur activité.
Les chalands du supermarché, interrompus dans leurs courses de Noël, semblaient apprécier le spectacle incongru d’un troupeau sagement mené par les chiens jusqu’à un proche rond-point, où les manifestants ont interrompu la circulation pour se faire entendre. Parmi ceux qui avaient la curiosité de venir dialoguer, beaucoup d’empathie envers le monde paysan, mais aussi de la surprise devant l’ampleur des problèmes que vit au quotidien cette partie de la population qui nourrit autrui.
Nombre d’entre eux témoignaient d’une grande précarité, parfois même de difficultés à se loger. Mais aussi de pollutions sur leurs terres, dans les nappes phréatiques, occasionnant une angoisse croissante. Particulièrement chez ceux qui cultivent en bio, bien-sûr, comme ils sont nombreux à le faire au sein de la Confédération paysanne.
Contrastant avec le sourire et l’énergie d’une jeune femme criant des slogans humoristiques au porte-voix, certains automobilistes montraient des signes d’énervement du fait du blocage. Au point qu’un chauffard, sans retenue, a roulé sur la jambe d’un manifestant, avant d’accélérer pour quitter les lieux.
De l’autre côté du rond-point, observé par des policiers hilares, un tas de pneus flambaient, dégageant un énorme panache noir. Feu allumé par d’autres agriculteurs, appartenant à un syndicat à l’opposé du spectre politique, tirant vers l’extrême droite. De quoi faire bougonner Isabelle Bouvier, maraîchère venue du Var voisin soutenir ses collègues du pays d’Aubagne : « nous, on est venus ici pour défendre une agriculture vivrière, pas pour empuantir avec des fumées toxiques ».
Sur cette vidéo réalisée par Nicolas Delcros pour Qui Vive, elle nous parle des difficultés croissantes qu’ont les paysans à vivre de leur travail, des jeunes générations qui peinent à reprendre les exploitations, et des conséquences énormes qu’ont les traités de type Mercosur sur l’autonomie alimentaire. « On propose une autre manière de voir, où on met l’humain au centre de l’activité, pas le profit. »
Gaëlle Cloarec, le 22 décembre 2025
Comment agir, autour de nous, pour un monde où il ferait bon vivre ? Cette rubrique donne des pistes concrètes pour se mobiliser tant individuellement que collectivement.











