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« Si l’extrême droite arrive au pouvoir, l’école ne s’en remettra pas »

Le discours important de Caroline Chevé, de la FSU 13, lors du mee-ting mi-teuf en soutien au Nouveau Front Populaire

L’équipe de Qui Vive était présente au mee-ting mi-teuf organisé par les soutiens du Nouveau Front Populaire le 26 juin à Marseille. Nous avons été particulièrement sensibles au discours prononcé ce jour-là par Caroline Chevé, professeure de philosophie dans un lycée des quartiers nord, et secrétaire départementale de la fédération syndicale FSU 13, présente dans l’enseignement, la fonction publique de l’Etat et la territoriale.
Notre média s’adresse à la jeunesse. Les mots de Caroline Chevé concernent directement les jeunes et parlent avec justesse des graves conséquences qu’aurait sur elles et eux l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Nous avons estimé qu’il était essentiel de diffuser ce discours au plus grand nombre, et nous avons décidé, en accord avec son autrice, de le publier en intégralité.
La rédaction de Qui Vive
Le 28 juin 2024


« Cher·es ami·es, cher·es camarades,

Depuis 20 ans j’enseigne la philosophie dans un lycée des quartiers nord. Mes élèves attendent avec inquiétude les résultats du bac, et les réponses de Parcoursup. Dans mes classes, les élèves sont presque tous boursiers. Certains n’ont pas la nationalité française. Certains même sont en situation irrégulière. Presque tous ont des origines lointaines. Beaucoup sont de confession musulmane.

Moi, cette année ce n’est pas pour leur baccalauréat que je suis inquiète. C’est pour elles et eux, et leurs frères et soeurs. Parce que ce seraient elles et eux les premières victimes d’une arrivée de l’extrême droite au pouvoir. Elles et eux qui verraient leurs aides sociales supprimées, elles et eux qui seraient trié·es dès l’entrée au collège et au lycée, envoyé·es au travail, privé·es de l’accès aux diplômes, elles et eux qui seraient toujours plus discriminé·es.

Mes élèves ont grandi dans une école fragilisée par des décennies d’austérité. Mais ils et elles sont là, en Terminale, prêt·es à faire des études.

Ils et elles ont grandi dans un pays qui a fait de l’école le levier principal de la justice sociale, un pays qui considère encore que l’émancipation passe d’abord par les savoirs, par la pensée critique et l’accès aux qualifications.

On l’a dit, il faudra des années pour reconstruire l’école, affaiblie par les baisses de moyens, par les réformes idéologiques et mal préparées, celles de la voie professionnelle, du baccalauréat et de l’accès aux études, et ce fameux Choc des savoirs qui organise le tri des élèves en maths et en français dès la 6e.

Oui l’école ne va pas bien, et tout est à reconstruire.

Mais si l’extrême droite arrive au pouvoir, l’école ne s’en remettra pas.

Ce n’est pas seulement une question de moyens.

Ce n’est pas seulement les conséquences des politiques néolibérales appliquées à l’éducation.

Ce n’est pas seulement un changement de degré, c’est un changement de nature.

Ce qui se joue aujourd’hui, c’est un système éducatif au service de la propagande, d’une vision de la société réactionnaire, qui voit dans la force, l’autorité et l’exclusion la réponse à tous les maux de la société.

Si l’extrême droite arrive au pouvoir, l’histoire sera remplacée par le roman national, les savoirs critiques par l’idéologie, la culture vivante et ouverte par le culte du patrimoine national.

Les élèves en situation de handicap seront évincé·es.

Les élèves en difficulté ou perturbateurs auront droit aux centres fermés et à l’orientation précoce.

Au travail inlassable pour apprendre à vivre ensemble, succèderont l’uniforme et la sanction permanente.

Sans parler du devenir des politiques d’éducation prioritaire ni du développement de l’enseignement privé.

Si l’extrême droite arrive au pouvoir les enseignants seront caporalisés, surveillés, et au vu du programme du RN, certainement pas revalorisés !

Car l’extrême droite est aussi l’ennemie des agent·es de la fonction publique : les enseignant·es bien sûr, les chercheur·es et les professeur·es d’université mais aussi les bibliothécaires, les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, les assistantes sociales, l’aide sociale à l’enfance, de la PMI, les agent·es des hôpitaux, et tous les autres.

A ceux qui disent que « nous n’avons pas essayé l’extrême droite », nous leur répondons que justement si, nous avons essayé, et qu’il n’est pas besoin de remonter à Vichy pour cela. Dans les mairies gérées par l’extrême droite, malgré le statut de la fonction publique, les agent·es de la territoriale sont harcelé·es, discriminé·es, recruté·es par clientélisme.

Et les politiques menées sont clairement antisociales : stigmatisation des enfants et des familles pauvres, arrêt de la gratuité des cantines ou des transports, suppression des activités périscolaires pour les enfants de chômeurs…

A l’opposé, les agent·es des services publics, titulaires ou contractuel·les ont besoin d’un signal fort, en matière de salaires et de pension, de conditions de travail, il faut redonner du pouvoir d’agir à celles et ceux qui font vivre nos services publics, réaffirmer le statut du fonctionnaire citoyen, au plus grand bénéfice de la population et de l’intérêt général.

Alors ce soir nous partageons tous une priorité absolue, une priorité sans égale : il faut empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir dans ce pays, aux législatives, mais ensuite aussi, à la présidentielle.

La FSU, dans cette situation exceptionnelle, et en toute indépendance, appelle à participer massivement au scrutin, à tout mettre en œuvre pour battre l’extrême droite, et à voter pour une alternative de progrès que l’on retrouve dans le programme du Nouveau Front Populaire.

Ce n’est pas un blanc seing, parce que ce n’est que la première condition pour que la donne change.

Parce que si la gauche gagne le 7 juillet, tout restera à faire, ce ne sera que le début. Les idées d’extrême droite ne vont pas refluer toutes seules.

Organisations syndicales, associations, collectifs, citoyen·nes, nous toutes et tous, nous devrons encore convaincre, porter nos alternatives, construire les rapports de force pour imposer de véritables avancées sociales, et combattre le racisme, l’ignorance, le repli individualiste, et le désespoir.

Partout, sur nos lieux de travail, il nous faut reconstruire les solidarités, pour porter ensemble notre aspiration à une société écologiste, féministe, sans racisme ni discriminations, une société démocratique, de justice et d’égalité, où l’on puisse vivre de son travail, où l’on puisse partir à la retraite avec une pension digne, à un âge où l’on peut encore profiter de la vie, une société solidement appuyée sur une protection sociale, des services publics et une école financés, reconstruits et efficaces.

Nous serons présents, nous serons vigilants, nous serons solidaires et combatifs, tout est à reconstruire mais nous sommes ensemble, nous sommes forts nous sommes fortes, capables de résister et de tout changer. »

Caroline Chevé, Secrétaire départementale de la FSU Bouches du Rhône
Discours prononcé le 26 juin 2024, Place Léon Blum à Marseille

Précision apportée par l’auteure du texte : La FSU, en toute indépendance et au regard du caractère exceptionnel de la situation appelle à voter pour une alternative de progrès qui se retrouve dans le programme du Nouveau Front Populaire. Elle le fait avec la ferme intention de continuer de porter les revendications des personnels de la fonction publique qu’elle représente, et de construire les mobilisations nécessaires pour obtenir satisfaction.


Sur cette captation vidéo effectuée par la revue Regards, vous pouvez retrouver la prise de parole de Caroline Chevé (de 1h05 à 1h13).


Quelques images prises par notre collaboratrice Gaëlle Cloarec lors du Mee-ting Mi-teuf :

 

 

 

 

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